Cinq sens ( 30-05-2009 )

 

 

Par cette fin de matinée d'avril, l'air est un peu frais, le groupe de personnes qui m'accompagne est encore un peu goguenard.

Il faut dire que la nuit fut courte et riche en festivités !

Le site est magnifique, c'est un havre de paix perdu dans la campagne normande, riche en constructions très anciennes.

Les vieilles pierres renferment un trésor d'histoires et je commence à me laisser envahir par cette ambiance de sérénité.

Tout en marchant, tranquillement sur ce chemin de terre qui serpente, je prends contact avec mon carnet et mon stylo pour coucher sur le papier des mots, des phrases qui me traversent l'esprit.

L'air est plus doux tout à coup, le chant des allouettes me transporte sur un autre chemin, celui que tu connais bien, toi, mon enfance !

Un tronc d'arbre couché sur le sol m'invite à m'asseoir. Je ferme les yeux quelques instants et respire la campagne.

Cette campagne qui m'entoure, je la connais bien, c'est la même qui a abrité mon enfance.

Je m'en imprègne doucement mais avec force, cette force tranquille qui domine, de tous les éléments ici bas !

Mes sens se réveillent doucement comme en ce moment le printemps !

Je touche ce vieux chêne, grand sage devant l'éternel !

Je m'assois sur la mousse, si douce, et l'odeur de la terre envahit mes narines et me transporte vers toi, mon enfance !

Enfance normande, pas si loin de là où je suis en ce moment.

Mes souvenirs resurgissent et l'odeur si particulière de la ferme les ravive avec intensité.

Je revois la maison de ma grand-mère où j'y passais des vacances. Je ressens cette odeur de vanille qui parfumait le lait chaud. Je ressens aussi ces odeurs de pommes cuites au four ainsi que les châtaignes qui crépitaient au feu de bois.

Je revois cette cheminée, toujours accueillante et qui nous réunissait.

Elle nous réchauffait par sa chaleur !

J'entends les rires et les histoires des anciens et surtout j'entends l'accordéon de mon grand-père, la cythare de mon oncle et l'harmonica de mon père. Ces sons si particuliers à mon coeur et qui surgissent de mes tripes.

Tout à coup je me surprends à penser à vous, chers disparus.

 

Enfance sucrée, enfance salée !

Enfance gourmande, enfance normande !

J'entends le coucou au loin et du coup cela me conduit au carillon qui trônait dans cette pièce et qui, inlassablement, nous rappelait que le temps s'écoule.

Puis, en ouvrant les yeux, j'aperçois le barbelé qui entoure un champ. Barbelé piquant, barbelé méprisant !

Je ne sais pas pourquoi cela m'a ramenée à l'histoire de la guerre.

39-45 a aussi bercé mon enfance, enfin quand je dis "bercé" c'est une façon de parler. Je me souviens de ces promenades dominicales sur les plages du débarquement. Des blockhaus qui jonchent le bord de mer. La guerre, l'exode, la résistance, la mort !

Cette mort qui pique, comme le houx, juste ici.

Les traces du tracteur dans la boue me font penser aux chars d'assaut et les lentilles d'eau qui envahissent le fond du fossé, à la pourriture.

Pourquoi ? Je ne saurais le dire.

Faut croire que ce fut prégnant.

Cet évènement historique a toujours été là. Peut-être parce que je suis née un 6 juin !

Le 6 juin 1944 fut une date très fêtée dans la famille. Quel héritage d'être née un 6 juin dans une telle famille, avec un tel passé !! Est-ce un hasard ? Peut-être ! Peut-être pas !

Tous mes sens sont en éveil quand je suis chez toi, Enfance !

Le chant des allouettes m'accompagne encore. L'aubépine est en fleurs, les violettes et les boutons d'or pointent leur nez. Le lierre s'agrippe à une barrière.

Je me souviens de ces barrières en bois qui menaient aux champs et qu'on escaladait pour partir à l'aventure et jouer dans le ruisseau qui s'écoulait au bas de la vallée.

 

Je me souviens de ces champs de pommiers qui sont si beaux lorsqu'ils sont en fleurs. Je me souviens des bouquets de primevères qui embaumaient nos chambres.

Je me souviens de la confiture de mûres, cueillies avec amour.

Je me souviens de cette grimace lorsque je mettais un pied dans une bouse de vache !

Je me souviens du bruit de la cloche qui résonnait dans le val.

Je me souviens de toi, Normandie !

Je me lève, continue mon chemin, agrippée tout à coup par une ronce qui trainait là.

En me baissant pour me libérer, j'aperçois d'autres traces, celles de chevaux. D'ailleurs j'ai croisé deux cavaliers tout à l'heure. Les chevaux me ramènent aussi à toi, mon enfance !

Je ne peux penser à la Normandie sans penser aux chevaux. Les voir courir sur la plage, avec leur élégance, était à chaque fois un spectacle merveilleux !

Enfance salée par la  mer, par l'air iodé, les pêches en famille dans les rochers. Fiers nous étions de ramener des coques, des flies et quelques étrilles à déguster.

Que de souvenirs et sensations extraordinaires me sont revenus ce matin là !

 

Merci à vous de m'avoir fait ce cadeau magnifique. Cet atelier m'a rappelé ô combien une partie de mon enfance fut merveilleuse, emplie de moments intenses et de sensations extrêmes que je n'oublierais jamais.

 

Mes cinq sens sont en émoi,

Mes cinq sens vont vers toi,

Mes cinq sens m'envahissent,

Mes cinq sens pour que j'en jouisse

Mes cinq sens sont en éveil,

Mes cinq sens plus jamais pareils !



27/12/2009
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